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Investissements passifs et gouvernance

Les fonds d’investissement passifs, tels que les ETF, gèrent effectivement une part croissante des activités du monde des entreprises. Vanguard et BlackRock devraient développer davantage leur charte de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise.

Dans son livre “The Battle for the Soul of Capitalism”, John Bogle critique les abus du top management des entreprises côtées : “Nos impériaux chefs d’entreprise, avec toute leur renommée, leurs jets, leurs avantages accessoires, leurs plans de retraite, leurs cotisations à des clubs, leurs appartements de Park Avenue, semblent avoir oublié qu’ils sont les employés des propriétaires de la société.”

Les actionnaires pâtissent de ces comportements, car ils doivent en supporter les coûts. Ils ont donc un rôle prépondérant dans la politique de la gouvernance d’entreprise en vue de brider ces abus. Les fonds indiciels, encouragés sur ce site en raison de leurs avantages pour les investisseurs (solution la moins chère pour un portefeuille diversifié) ne semblent pas encore jouer leur rôle de contrôle des administrateurs et des dirigeants exécutifs.

La concentration croissante dans l’industrie des fonds – actifs et passifs – fait que les sociétés d’investissement sont de plus en plus entre les mains des mêmes propriétaires, Blackrock et Vanguard en particulier. Les fonds d’investissement passifs, tels que les ETF, gèrent effectivement une part croissante des activités du monde des entreprises. Cela s’explique par le fait que les actions achetées par les fournisseurs des ETFs provoque une modification et une concentration de l’actionnariat.

Les fonds passifs, par définition, n’ont aucune relation étroite avec leurs investissements individuels car un indice dicte ce qu’il faut acheter. Les fonds actifs, en particulier ceux d’investisseurs “activistes” et les fonds spéculatifs, sont davantage incités à suivre de près la gestion des entreprises. L’alignement stratégique doit ainsi être soutenu activement par les principaux actionnaires, ce que les fonds passifs ne peuvent pas faire, notamment pour des raisons de coûts. Les investisseurs actifs se penchent également sur la question de la rémunération, car les administrateurs et les dirigeants pourraient profiter de l’absence de contre-pouvoir et se verser des sommes exagérées.

Les fonds passifs tirent en fait peu d’avantages immédiats de leur implication dans les affaires d’une entreprise : D’une part, contrairement aux fonds actifs, ils ne peuvent pas vendre les participations dans les mauvaises entreprises puisqu’ils doivent suivre un indice. D’autre part, ils ne tirent aucun avantage concurrentiel, puisque les autres fournisseurs de produits suivent les mêmes indices et profite ainsi de leurs efforts.

L’investissement passif ne signifie pas que l’on reste inactif ou que l’on ne peut pas utiliser activement sa participation dans une entreprise. En réalité, des équipes entières de personnes s’occupent de cette question dans les principales maisons de fonds. BlackRock, avec sa marque iShares, est le plus grand fournisseur d’ETF au monde. Son directeur général, Larry Fink, écrit chaque année une lettre ouverte à tous les directeurs généraux d’entreprises publiques et met en avant deux outils : le dialogue et l’usage de leurs droits de vote. La question du climat est particulièrement mise en avant, mais BlackRock ne se considère pas comme un investisseur activiste et recherche toujours le dialogue. Dans des cas extrêmes, il peut voter contre la nomination de membres du conseil d’administration, ce qui semble être extrêmement rare. Sous le terme d’investment stewardship, Vanguard emploie une équipe de 35 professionnels de la gouvernance et se concentre sur les quatre thèmes suivants : La composition de la direction, la stratégie et la surveillance des risques, la rémunération et les droits des actionnaires. Les outils sont similaires à ceux de BlackRock avec la promotion des bonnes pratiques, les interactions avec les entreprises et le vote d’actionnaire.

Les avantages en fonds indiciels demeurent pour l’investisseur, mais cette anomalie de gouvernance devrait être abordée avec plus de détermination. Idéalement, les prestataires de services Vanguard et BlackRock devraient développer davantage leur charte de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise, notamment en ce qui concerne les incitations et la rémunération des administrateurs. La menace de voter contre les résolutions devrait pousser les entreprises à éviter les abus, sans que les gestionnaires de fonds indiciels aient à s’immiscer dans les affaires des entreprises et à passer à une micro-gestion coûteuse.