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Le portefeuille équilibré de Ray Dalio

L’approche de parité des risques donne un aperçu des risques du portefeuille et de sa sensibilité aux scénarios de croissance et d’inflation.

Alors que nous poursuivons notre examen des principaux modèles de portefeuille, une innovation non-académique mérite notre attention. En effet, Ray Dalio et Bob Prince de Bridgewater ont donné naissance aux approches de parité des risques avec leur All Weather Fund qui a vu le jour en 1996.

Le All Weather ne correspond pas aux stratégies actives du hedge fund Bridgewater qui est impossible à répliquer par des investisseurs individuels sans l’infrastructure informatique et l’expertise technique du hedge fund global macro. Cette approche vise à concevoir un portefeuille à long terme et robuste avec une maintenance minimale. L’approche qualitative du All Weather est une bonne orientation pour tout investisseur. Comme elle est moins quantitative que les nouvelles approches de parité des risques ou que d’autres modèles, elle constitue un bon point de départ pour les investisseurs débutants/intermédiaires.

Jusqu’à la fin du siècle dernier, l’allocation d’actifs traditionnelle se concentrait principalement sur les actions et utilisait les obligations pour contrôler les risques (60 % d’actions et 40 % d’obligations est souvent citée comme “allocation d’actifs traditionnelle” et sert de référence pour comparer les stratégies multi-actifs). Contrairement à l’allocation d’actifs traditionnelle et au modèle moyenne-variance (optimisation qui vise un rendement spécifique avec un niveau de risque minimal – voir l’article de mai 2021), une stratégie de parité des risques attend de chaque classe d’actifs qu’elle contribue de manière égale au risque du portefeuille, indépendamment de son rendement attendu. L’allocation aux différentes classes d’actifs ne doit pas être basée sur une optimisation qui vise un rendement spécifique avec un niveau de risque minimal, mais doit générer un portefeuille dans lequel la contribution au risque du portefeuille de chaque classe d’actifs est égale, indépendamment de ses rendements attendus.

Comme le mentionne Bob Prince dans “Risk Parity Is about Balance”, l’objectif est de “percevoir la prime de risque de manière aussi constante que possible, en minimisant le risque dû aux changements inattendus de l’environnement économique”.

Les différentes classes d’actifs possèdent un rendement par rapport au taux sans risque et réagissent différemment aux deux principaux moteurs macroéconomiques du cycle économique : la croissance et l’inflation. La valeur des actifs est déterminée par l’activité économique (croissance) et sa tarification (inflation), ce qui conduit à quatre scénarios de risque et à quatre sous-portefeuilles correspondants afin d’allouer les fonds. Les différentes classes d’actifs se comporteront différemment selon les quatre environnements suivants : lorsque (1) l’inflation augmente, (2) l’inflation diminue, (3) la croissance augmente, et (4) la croissance diminue – par rapport aux attentes. Les principales classes d’actifs à privilégier selon les situations sont :

(1) L’inflation augmente : Obligations inflation-linked (IL), matières premières

(2) L’inflation diminue : Actions, obligations nominales

(3) La croissance augmente : Actions, matières premières

(4) La croissance diminue par rapport aux attentes : Obligations nominales, obligations inflation-linked

Aucun investisseur n’est capable de prédire l’avenir et de savoir si les marchés vont sous-estimer ou surestimer les deux moteurs économiques (croissance et inflation). Comme vous ne connaissez pas l’avenir, vous devez choisir d’investir de manière équilibrée sur le long terme. Vous pouvez répartir vos actifs de manière égale sur différents scénarios en fonction de leur contribution au risque total du portefeuille. La parité des risques signifie que le portefeuille est équilibré de sorte que chaque classe d’actifs contribue au même potentiel de pertes.

La mise en œuvre d’une stratégie de parité des risques implique les étapes et décisions suivantes :

(1) Sélection de la mesure de risque et du niveau de risque cible : par exemple, l’écart-type semble être la mesure de risque de choix ;

(2) Sélection des classes d’actifs à inclure dans le portefeuille : une stratégie de parité des risques peut se faire par le biais d’une stratégie passive (recommandée) utilisant des véhicules d’investissement collectif à faible coût tels que les fonds négociés en bourse ou d’une stratégie active (non recommandée ici) ;

3) Estimation de la contribution au risque de chaque classe d’actifs sélectionnée : par exemple, les écarts types des fonds négociés en bourse sélectionnés ;

4) Construction d’un portefeuille à risque égal sans levier (c’est-à-dire un portefeuille à parité de risque sans levier ; un portefeuille à parité de risque avec levier et des paris sont possibles mais non recommandés ici). Tout d’abord, le budget de risque est réparti entre les quatre compartiments. Pour simplifier le processus d’investissement, 25% du risque peut être alloué à chacune de ces quatre catégories. Ensuite, à l’intérieur de chaque compartiment du budget de risque, les classes d’actifs sont sous-allouées (par exemple, sur une base égale pour simplifier), en fonction de l’exposition aux quatre dimensions croissance-inflation.

La mise en œuvre semble facile, mais certains problèmes pratiques se posent : Tout d’abord, en raison de leur moindre volatilité, les obligations ont tendance à être surallouées. L’approche suggère également une valorisation neutre, mais une prudence accrue est nécessaire dans l’environnement monétaire actuel. Par exemple, les obligations IL seraient un actif de choix dans la situation d’une croissance plus faible et d’une inflation plus élevée, mais les rendements de toutes les obligations sont actuellement peu attrayants : celui de l’iShares Global Inflation Linked Govt Bond UCITS ETF est par exemple inférieur à 1 %. Enfin, si la sensibilité à l’inflation des matières premières peut compenser l’effet sur les obligations, d’autres facteurs peuvent ne pas avoir l’impact attendu sur la base des corrélations historiques des actifs. Les obligations se comportent le mieux en période de récession désinflationniste, les actions se comportent le mieux en période de croissance, mais pendant certaines crises, les actions et les obligations peuvent évoluer dans la même direction. Les stratégies de parité des risques (en particulier les stratégies passives) ne présentent aucune immunité lorsque cela se produit.

En pratique, il existe de nombreuses variantes de la stratégie de parité des risques (sélection variée des classes d’actifs, différentes mesures de risque, approche active ou passive). La maximisation du rendement étant un objectif clé à côté de la minimisation du risque, S. Deo et R. Nakisa ont proposé que la pondération de chaque classe d’actifs soit basée sur son Sharpe ratio. Un Sharpe ratio plus élevé conduira à une allocation d’actifs plus élevée (dans la même proportion) et je préfère personnellement cette approche au modèle de parité des risques car elle tient compte de la maximisation des rendements. Cette analyse me donne un aperçu des risques du portefeuille et de sa sensibilité aux scénarios de croissance et d’inflation. Même si vous ne construisez pas votre portefeuille sur une base de parité des risques (ce que je ne fais pas non plus), elle vous donnera des indications précieuses sur la manière dont les facteurs de marché peuvent influer sur votre patrimoine dans différents environnements.

Sources:
Risk Parity: The Democratization of Risk in Asset Allocation, The Journal of Portfolio Management, Volume 47, Issue 5, 2021, Francesco A. Fabozzi, Joseph Simonian, and Frank J. Fabozzi
“Risk Parity Is about Balance.” Bridgewater Associates, LP, 2011, Bob Prince
https://www.bridgewater.com/research-and-insights/the-all-weather-story
"When Risk Parity Goes Wrong", 2013 Stephane Deo and Ramin Nakisa