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Les points forts du modèle d’investissement canadien

Le modèle canadien préconise des processus solides, une approche internalisée et des investissements couvrant les risques d’inflation tels que les actions des producteurs de matières premières, l’immobilier et les infrastructures.

Avant leur modernisation, les fonds de pension canadiens présentaient les pires caractéristiques de la bureaucratie gouvernementale et une diversification très limitée. Par exemple, un fonds détenait tous ses actifs dans des obligations non négociables de l’Ontario alors que les engagements de retraite étaient indexés sur l’inflation ! La plupart des fonds de pension canadiens se sont restructurés afin de se doter d’une mission claire, d’une solide fonction de gouvernance indépendante et de la capacité d’attirer et de retenir les talents nécessaires à leur réussite.

Aujourd’hui, le modèle d’investissement canadien présente les trois caractéristiques suivantes :

(1) Gestion d’actifs professionnelle en interne pour réduire les coûts. Les fonds canadiens gèrent en moyenne 52 % de leurs actifs en interne et même 80 % pour les très grands fonds qui gèrent plus de 50 milliards de dollars, alors que les fonds non canadiens ne gèrent que 23 % de leurs actifs en interne. Cependant, lorsque l’investissement est externalisé, les fonds canadiens dépensent 121 points de base pour leur portefeuille géré en externe (donc une délégation plus coûteuse mais pour une plus petite proportion du portefeuille), contre 86 points de base pour le reste du monde. Ainsi, la principale différence entre les modèles de Yale et du Canada est le choix entre la gestion externe et interne. Le modèle Yale choisit presque exclusivement de déléguer l’investissement dans les actifs traditionnels et alternatifs à des gestionnaires externes, alors que les fonds canadiens gèrent davantage d’actifs en interne ;

(2) Les économies de coûts résultant de la gestion sont réinvesties dans les capacités internes afin de constituer des équipes d’investissement internes pour chaque classe d’actifs (avec une diversification géographique et de classe d’actifs étendue) ainsi que pour investir sur les marchés privés. D’après leurs résultats, le modèle canadien est rentable mais pas à faible coût, car la gestion interne d’un plus grand nombre d’actifs réduit les coûts, mais ces économies sont en partie utilisées pour développer l’expertise interne et accéder à des parties externes choisies.

(3) Le capital est orienté vers des actifs de croissance qui couvrent les risques liés au passif. Cela comprend les investissements dans les actions des producteurs de matières premières, l’immobilier et les infrastructures.

Examinons la performance :  Selon le Journal of Portfolio Management, de 2004 à 2018, les fonds de pension canadiens ont surpassé leurs homologues (néerlandais, britanniques et américains) en termes de performance d’investissement et d’assurance contre les risques dérivant des obligations de prestation. En particulier, le modèle canadien fonctionne mieux pour les fonds dont les engagements de retraite sont indexés sur l’inflation. Les fonds canadiens ont également généré un ratio de Sharpe plus élevé (93% contre 60% pour les pairs sur l’échantillon de cinq ans).

En résumé, le succès du modèle canadien est une combinaison de gestion interne professionnelle, d’échelle et de diversification des actifs. Cependant, il n’existe pas de modèle canadien unique. Les petits fonds canadiens manquent d’envergure pour investir en interne (niveau élevé de coûts fixes) et en actifs privés (qui sont plus complexes à gérer) que les grands fonds.

Application pour les investisseurs privés : Il est possible d’adopter certaines caractéristiques du modèle canadien même si l’investisseur privé n’est pas en mesure d’appliquer entièrement l’approche institutionnelle. Les processus solides et l’approche structurée du modèle canadien conduisent aux meilleurs résultats pour tous les investisseurs, institutionnels et privés. Les investisseurs privés peuvent aussi appliquer la diversification des classes d’actifs et des zones géographiques des fonds de pension canadiens par le biais de véhicules passifs. Pour ceux qui souhaitent prendre une retraite anticipée, le modèle peut également conduire à un portefeuille actif-passif plus efficace et à une plus grande protection contre les risques liés à leur propre passif de retraite. En fait, il est possible de se prémunir en partie contre ces risques de longévité en investissant dans un panier diversifié d’actifs de croissance (dont le rendement a également augmenté au cours de la dernière décennie). Par conséquent, l’accès aux actifs couvrant les risques d’inflation comme le préconise le modèle canadien (tels que les actions des producteurs de matières premières, l’immobilier et les infrastructures) n’est pas toujours aisé, mais une certaine exposition (par le biais d’actions passives ou d’investissements dans des résidences privées) est certainement souhaitable pour les investisseurs privés.

Sources:
The Canadian Pension Model: Past, Present, and Future, The Journal of Portfolio Management, Volume 47, Issue 5, 2021, Keith Ambachtsheer
The Canadian Pension Fund Model: A Quantitative Portrait, The Journal of Portfolio Management, Volume 47, Issue 5, 2021, Alexander D. Beath, Sebastien Betermier, Chris Flynn, and Quentin Spehner