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Marché obligataire et valeurs technologiques (3ème trimestre 2021)

Acheter aujourd’hui un ETF “developped world” signifie s’exposer massivement à des growth stocks hautement valorisés.

Dans ce point de situation trimestriel, nous passerons en revue certains signaux provenant du marché obligataire, les mésaventures des méga-techs chinoises et le niveau des actions “growth”. Ensuite, nous nous pencherons sur les thèmes habituels des taux d’intérêt et de l’inflation des monnaies principales.

  • Marché obligataire: Le Financial Time (voir sources) annonce une frénésie d’émission d’obligation en dollars après l’accalmie de l’été. Différentes anecdotes indiquent que certains emprunteurs ont le sentiment qu’une forte inflation et une reprise économique générale pourraient entraîner une hausse des coûts d’emprunt d’ici la fin de l’année et profitent de la fenêtre de septembre. Deutsche Bank encourage notamment ses clients de se lancer rapidement en cas de besoins de fonds en dollars. A côté des emprunts de qualité, de nombreuses nouvelles obligations d’entreprise à haut rendement sont également en train d’arriver sur le marché en septembre (en vue de de bloquer de faibles coûts d’emprunt, financer des acquisitions et des rachats d’actions ou de récompenser les actionnaires) avant la fin possible de ces coûts d’emprunt historiquement bas et les craintes d’une pression inflationniste moins transitoire qui ferait augmenter à nouveau les coûts de financement. Du point de vue des investisseurs, il n’y rien d’attrayant dans les perspectives des obligations américaines (avec des baisses attendues en cas de hausse des taux), mais cela reste toujours plus attractif que ce que l’on trouve dans certaines parties du monde avec des rendements déjà négatifs.
  • Mega-tech chinoises: Les actions des géants informatiques chinois ont été victimes d’un véritable sell-off ces dernier mois. Le pouvoir chinois ayant décidé de brider les géants technologiques et de recevoir l’accès à davantage de données, dont l’utilisation permet des bénéfices importants à ces géants technologiques. Sont considérées les actions d’Alibaba, l’équivalent chinois d’Amazon, qui perdu plus d’un tiers de sa valeur, tout comme Tencent. Ces valeurs ayant un poids conséquent dans les indices “Emerging Markets” FTSE et MSCI avec la pondération devenue important des grandes valeurs chinoises, les ETFs de Vanguard et de iShares investissant dans les marchés émergents n’ont pas eu le développement positif qu’on connut d’autres marchés. Leur prix reste cependant beaucoup plus attractif par rapport aux valeurs growth (voir ci-dessous) malgré des perspectives assombries pour ces sociétés.
  • Valeurs technologiques et “growth”: Que des valeurs technologiques actives dans les semi-conducteurs aient des P/E de plus de 40 peut apparaître peu rationnel mais compréhensible: celles-ci peuvent profiter de hausses importante et bénéficier de l’augmentation des prix dans leur secteur. Que le segment growth dans son ensemble soit pareillement cher devrait par contre faire davantage réfléchir. Même les ETFs des fournisseurs de référence comme Vanguard et iShares voient leurs ETF growth entrer dans les listes des ETFs les plus onéreux, où habituellement des ETFs très spécifiques, de niche et spéculatifs trouvent leur place. Voici par exemples les P/E actuels correspondant aux ETFs growth sur le site d’ETF Database (voir sources):
  1. VONG (Vanguard Russell 1000 Growth ETF): P/E de 38.30
  2. IXN (iShares Global Tech ETF): P/E de 40.98
  3. IVW (iShares S&P 500 Growth ETF): P/E de 44.07
  4. VOT (Vanguard Mid-Cap Growth ETF): P/E de 45.00
  • Taux d’intérêt et d’inflation aux Etats-Unis: Le président de la Fed, Jerome Powell, s’est exprimé fin août au symposium de Jackson Hole et a défendu la politique monétaire consistant à ne pas combattre trop fortement les situations probablement temporaires d’inflation. Dans les années 1970, on se souviendra que la forte hausse des prix avait finalement conduit à des hausses significatives des taux d’intérêt (appelé le “choc Volcker”). Si la Fed se trompe dans son évaluation et que l’inflation n’est pas si temporaire, elle sera finalement obligée de prendre des mesures drastiques pour rattraper le retard d’aujourd’hui. Jerome Powell a cependant déclaré qu’il pourrait y avoir une hausse des taux d’intérêt directeurs en 2023 alors que jusqu’en mai, la Fed avait encore exclu toute hausse de taux jusqu’en 2024. La Fed continue d’acheter des obligations et des prêts hypothécaires pour un montant d’environ 120 milliards de dollars par mois, qui doit être réduit vers la fin de l’année et, selon les économistes, pourrait être ramené à 0 dans les 6 mois.
  • Pas de changements pour l’euro : Ce mois-ci, la BCE a renouvelé sa déclaration selon laquelle elle laissait pour l’instant l’inflation augmenter, même si celle-ci atteignait jusqu’à 6 % dans certains pays membres. Il est également peu probable que les taux d’intérêt soient touchés avant 2024 selon la communication de la BCE.
  • Taux d’intérêt et inflation en Suisse: En petite économie ouverte, la Suisse dépend de la situation des taux internationaux: Si elle augmentait ses taux d’intérêt directeurs de manière unilatérale, le franc suisse s’apprécierait encore davantage et nuirait à son économie. Pour Andrea Mächler de la SNB, “le risque d’une flambée d’inflation dans notre pays est extrêmement faible” comme rapporté par Le Temps (voir sources). Pour elle, les capacités de production restent sous-utilisées et si l’inflation augmentait, elle se dit convaincue de disposer des instruments nécessaires. On voudrait bien partager son optimisme, mais on notera seulement que son assurance ne s’applique qu’à la consommation puisque la hausse énorme des prix boursiers et immobiliers est la conséquence des liquidités injectées. Sur le marché immobilier Suisse, une surévaluation de 30 pour cent avait été avancée par un autre membre du directoire de la SNB quelques jours auparavant. Après le fort contre-mouvement à la hausse du niveau des taux d’intérêt de février (où es taux d’intérêt avaient augmenté principalement sur la partie longue, on a assisté à une forte réduction à ce jour et cette hausse a déjà été compensée à la baisse pour environ 2/3. En août, la BNS est à nouveau intervenue fortement sur le marché des changes, pour un montant d’au moins 7 milliards de francs, après que le franc suisse a de nouveau augmenté par rapport à l’euro pour atteindre 1,07. Comme chaque mois, la BNS a réaffirmé en août qu’elle n’a pas l’intention de modifier sa politique monétaire dans un avenir prévisible et qu’elle continuera à utiliser les taux d’intérêt négatifs pour empêcher une appréciation du franc. La BNS estime également que la surchauffe du marché immobilier peut actuellement être contrée par d’autres mesures ciblées plutôt que des hausses de taux d’intérêt. Les hausses de taux d’intérêt ne sont pas la bonne voie à suivre en raison de la situation internationale de politiques monétaires expansives et par conséquent, les taux hypothécaires indicatifs n’ont guère changé sur le dernier trimestre
  • Finalement, l’or n’a pas brillé durant le troisième trimestre, les investisseurs semblant préférer les crypto-monnaies ainsi qu’investir dans des valeurs technologiques ou growth à un prix très élevé. Quelques pourcent d’or peuvent cependant toujours servir dans un portefeuille comme contribution de protection contre les risques extrêmes mais n’apporte pas de rendement.

En substance, le développement des valeurs techs chinoises et des actions growth US auront été les événements majeurs de ce troisième trimestre, alors que les taux d’intérêt auront peu changé. Même si les investisseurs individuels évitent les ETFs thématiques, et il est dans leur intérêt de le faire, ces growth stock constituent généralement une part très importante de la capitalisation des titres US, elle-même très fortement représentée dans la capitalisation mondiale (pour environ la moitié). Acheter aujourd’hui un ETF “developped world” signifie donc s’exposer massivement à des growth stocks hautement valorisés. Une approche plus différenciée qu’un ETF mondial (voir également Fonds indiciels – options de base dand le guide pratique) pourrait être nécessaire, d’autant plus que les écarts de valorisation entre ETF “developped” et “emerging world” s’est encore accentué, avec des prix plus attractifs pour ces derniers, qui compensent souvent le profil de risque et les perspectives incertaines pour les actions chinoises.

Sources:
Bankers and investors braced for US corporate debt binge, Financial Times Europe, 03.09.2021, www.ft.com
Andréa Maechler: «Les 1000 milliards de la BNS ne sont pas la solution au changement climatique», Le Temps, 04.09.2021, www.letemps.ch
www.etfdb.com