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Guerre en Ukraine et les vues de Carmignac et Shiller (1er trimestre 2022)

Il faut faire attention aux ETFs concentrés comme on l’a constaté durant ce premier trimestre en cas d’ETFs axés sur la Russie, mais aussi sur une région spécifique (l’Europe de l’est) ou sur une thématique (BRIC).

La première partie de ce point trimestriel sur les marchés résume l’impact sur les ETFs du début de la crise provoquée par l’invasion russe qui démontre à nouveau l’importance d’un portefeuille diversifié.  Dans cet environnement incertain, la seconde section offre certains conseils d’investissement à long-terme provenant de deux fins connaisseurs des marchés financiers : la référence française Carmignac et le professeur américain Shiller. 

L’impact de la crise sur les ETFs et les investisseurs privés

Avec la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie, les investisseurs subissent des pertes considérables sur les actions et les obligations russes. Les actions russes telles que Gazprom, Lukoil ou Sberbank n’étant pas négociables, les produits de placement dans lesquels ces titres faisaient partie ont été très affectés.

La fermeture du marché boursier russe début mars a ainsi créé un fossé entre le prix de certains fonds et la valeur de leurs actifs sous-jacents.  BlackRock a suspendu la création de nouvelles actions de son ETF iShares MSCI Russia (en baisse d’environ 70 %). D’autres prestataires vont liquider leurs fonds Russie au vu de l’impossibilité de de conduire leurs affaires et leurs opérations d’une manière économiquement efficace. Ainsi, une concentration ou des paris sur un seul pays comme la Russie se seraient révélés catastrophique.

Même une orientation sur indice aurait pu été désastreuse : alors que les fonds qui s’orientent sur des baromètres de comparaison comme le MSCI Russia sont entièrement investis dans des titres russes, les fonds d’Europe de l’Est avaient souvent une part de plus de 40 pour cent de titres russes. L’effondrement des titre russes n’aurait pas épargné les fonds à l’univers plus élargis comme les fonds BRIC (l’abréviation pour Brésil, Russie, Inde, Chine). Ces fonds étaient généralement investis à environ 20 % dans des titres russes. 

Les fonds d’actions et d’obligations des pays émergents, comme certains ETFS, ont également souvent une certaine part de titres russes dans leur portefeuille conformément à l’indice qu’ils suivent. Avant l’invasion (fin janvier), les actions russes représentaient 3,2 % du MSCI Emerging Markets. Ainsi, les prestataires d’indice comme MSCI ont signalé qu’ils pourraient supprimer la Russie de plusieurs de ses indices d’actions largement suivis, y compris ceux qui suivent les marchés émergents comme le MSCI Emerging Markets. Malgré ces changements, les pertes subies par les investisseurs demeurent, mais à un degré moindre que pour des fonds concentrés.

L’orientation de deux oracles des marchés : Carmignac et Shiller

Edouard Carmignac est un patriarche de la finance française et le fondateur de la gamme de fonds qui portent son nom. Pour l’année boursière 2022, il s’attends à ce que la Chine soit le marché financier le plus attractif : “Ses actions, ses obligations et même sa monnaie pourraient faire partie des grands gagnants de 2022”. Le fait que l’État centralisé resserre actuellement l’étau sur les entreprises technologiques n’inquiète pas Carmignac outre mesure. Il estime que les plus grandes interventions sont digérées et que l’état a rempli son objectif de renforcer sa base de pouvoir.

L’économiste Robert Shiller est le lauréat du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel (appelé communément à tort Prix Nobel pour en gonfler l’importance). Il a introduit le ratio de Shiller (Cape) qui correspond au rapport entre le cours de l’action d’une entreprise et la moyenne des bénéfices corrigés de l’inflation des dix années précédentes. Pour lui, la situation n’est pas très bonne pour le marché boursier américain dans son ensemble au vu des cours élevés, à part dans le domaine des biens de consommation de base, de la finance, de l’industrie et de l’immobilier et il recommande de continuer à placer son argent sur le marché des actions dans certaines limites. Pour lui, il ne faut cependant pas surpondérer le marché boursier national ni les valeurs technologiques.

Garder le cap

Cette crise nous rappelle que les ETFs, même s’il s’agit du véhicule de choix des investisseurs privés, doivent être diversifiés, et qu’en cas d’investissement plus marqué, une forte concentration déviant des proportions de l’indice mondiale est dangereuse, On l’a constaté durant ce premier trimestre en cas d’ETF concentré sur la Russie, mais aussi sur une région spécifique (l’Europe de l’est) ou sur une thématique (BRIC).

Cette crise, couplée à une hausse des taux d’intérêt, favorise plutôt des actions “valeurs” avec des valorisations plus avantageuses que les titres de croissance. Les actions de valeur ont en général des pertes plus faibles en cas de correction (même si elles profitent moins en cas de marché haussier). Une autre option est de favoriser légèrement des régions ayant des valorisations plus faibles comme le Royaume-Uni, le Japon ou les marchés émergents en général.

Beaucoup d’investisseurs privés se sont trouvés désorientés à la suite de l’invasion de l’Ukraine. Il vous faut cependant continuer une stratégie régulière d’investissement dans un indice mondial si vous êtes débutant.  Pour les investisseurs plus expérimentés, la volatilité des marchés peut permettre certains points d’entrées attrayants au premier abord. Attention cependant à ne pas effectuer de paris trop marqués et de rester fidèle à votre stratégie même si vous vous permettez occasionnellement de charger un peu plus certains investissements.

Sources:
China wird im nächsten Jahr der attraktivste Finanzmarkt sein, NZZ am Sonntag, 30.12.2021
Es gibt Parallelen zum Jahr 1929, Neue Zürcher Zeitung, 26.1.2022
ETFs Exposed to Russia Plunge, The Wall Street Journal, 02.03.2022
Das Thema russische Aktien ist tot, Investoren drohen auf russischen Wertpapieren sitzenzubleiben, Neue Zürcher Zeitung, 9.3.2022