Suite aux restrictions de trading de mon broker dans le cadre du chaos boursier provoqué par les rumeurs Reddit, je me suis intéressé au principal broker américain impliqué et proposant des transactions prétendument gratuites: Robinhood.
En accédant à leur site, je reçois immédiatement le message suivant “Sorry! We’re not currently able to accept applications from outside the United States.” La question d’utiliser leurs services depuis la Suisse ne se pose donc pas d’un point de vue pratique pour le moment. Cependant, il est intéressant de se pencher sur le modèle d’affaires de Robinhood.
Robinhood est une entreprise fondée dans la Silicon Valley en 2013, et a plus de similitudes avec Facebook qu’avec Wells Fargo. L’application se veut très intuitive et ludique, et semble gratuite comme aucune commission sur les opérations sur titres n’est prélevée. Malgré la gratuité de son application de trading, Robinhood a cependant généré des revenus de près de 700 millions de dollars en 2020. La provenance de ces fonds permet immédiatement de comprendre le modèle d’affaires de Robinhood: Ses sources de revenus sont Citadel Securities, un leader du trading à haute fréquence (un phénomène boursier controversé qui sera le sujet d’un prochain article), ainsi que Wolverine Securities, Virtu Financial, Two Sigma Securities et Morgan Stanley. Robinhood leur fournit des informations contre rémunération sur les ordres des investisseurs privés pour la négociation de contrats d’options et d’actions d’entreprises.
La première entreprise des fondateurs de Robinhood, Vladimir Tenev et Baiju Bhatt, était d’ailleurs dédiée au trading à haute fréquence. Parmi les clients achetant ces informations font parties des sociétés avec lesquels les fondateurs avaient déjà fait affaires dans le passé.
Le succès de Robinhood est donc simple : Il s’agit de commissions cachées sous couvert de services gratuits aux investisseurs. L’entreprise vend les ordres de ses clients aux teneurs de marché (qui en réalité les utilisent pour en tirer profit) et aux prestataires de services financiers. A l’inverse du héros moyenâgeux, Robin des Bois, Robinhood puise des informations au pauvre investisseur de détail, avant que la transaction ne soit effectuée, pour les revendre aux puissants fonds spéculatifs, qui profitent de ces informations. La SEC a récemment condamné Robinhood à une amende de 65 millions de dollars pour ce manque de transparence mais ses pratiques restent inchangées.
Comme le disait J. Bogle, un prestataire de service ne peut pas servir deux maîtres et Robin Hood se trouve précisément dans cette situation. Les clients de détails reçoivent un service gratuit, mais leurs informations sont utilisées afin de servir ses autres clients, plus profitables, qui sont les acheteurs de ces informations. En conclusion, un bon investisseur retail devrait éviter tout broker lié à des partenaires de trading à haute fréquence. Par principe, un ordre devrait être exécuté au meilleur prix et non monnayé à des tiers en vue d’en tirer un profit, aussi minime soit-il. Comme dans d’autres segments de l’économie numérique, les services gratuits ne sont pas toujours avantageux pour leurs utilisateurs directs.
Il est donc recommandé de bien comprendre le modèle d’affaire d’un prestataire de services financiers avant de s’engager avec lui!