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Un regard dans la boule de cristal des marchés

Les valorisations élevées des actions (surtout américaines) justifient des prévisions de rendement faibles. Une répétition des récents rendements élevés des actions et des obligations semble peu probable. 

Les hypothèses du marché des capitaux (HMC) sont une condition préalable essentielle à une bonne répartition des actifs. Les HMC sont des estimations prospectives (généralement sur une décennie) du futur rendement d’investissements. Les HMC plus sophistiquées incluent également les volatilités et les corrélations des différentes classes d’actifs. Ces prévisions auront une incidence sur la pondération de chaque classe d’actifs dans le portefeuille.

Les gestionnaires d’actifs mondiaux, les consultants en investissement et les banques développent généralement leurs propres HMC et les partagent parfois avec le public. En tant qu’investisseur privé, il est important de comprendre leurs mécanismes, mais vous n’avez pas besoin de les calculer et vous pouvez alors vous reposer sur des sources publiques fiables (telles que celles présentées dans les sources : AON et J.P. Morgan).

Les rendements attendus à long terme peuvent être estimés de différentes manières*:

  • La principale approche consiste à décomposer le rendement total en fonction des variations attendues du revenu et de la valeur de marché sur la base de différentes métriques (par exemple, les rendements, spreads, les ratios d’évaluation).
  • Une autre approche consiste à déterminer les rendements attendus à partir d’un cadre de prime de risque où les rendements spécifiques à une classe d’actifs sont déterminés par rapport à des actifs non risqués ou au portefeuille du marché.

Les HMC à long terme ne sont pas censés être des outils d’allocation d’actifs tactiques ou des signaux de négociation à des fins spéculatives. Toutefois, elles donnent une orientation quant à l’attrait relatif de diverses classes d’actifs à long terme et constituent des éléments clés des décisions d’allocation d’actifs.

Les composantes des attentes en matière de rendement des actions publiques sont l’inflation, la croissance des bénéfices réels, le revenu des dividendes, l’évolution attendue des évaluations du ratio cours/bénéfices et l’impact attendu des devises (pour les investissements en dehors de la monnaie nationale). À titre d’exemple, selon un article récent du Journal of Portfolio Management, les attentes en matière d’actions américaines seraient autour de 5,5 % (reflétant plusieurs autres publications). Cela correspondrait à des prévisions d’inflation de 2,2 %, de croissance de 1,8 % et de rendement des dividendes de 1,5 %. Cette estimation est bien inférieure au rendement réalisé au cours de la dernière décennie, mais elle est conforme à la valorisation élevée actuelle des marchés boursiers et aux prévisions de rendement des actions publiées par les gestionnaires d’actifs et les consultants. Le rendement attendu des marchés développés non américains serait légèrement supérieur à 6 % et celui des actions des marchés émergents d’environ 8 %. Pour J.P. Morgan, le cycle à venir ne s’annonce pas positif “avec des valorisations élevées des actions et un vent contraire sur les rendements de nombreux marchés boursiers“. L’impact des valorisations élevées des actions américaines à grande capitalisation explique également les prévisions de rendement plus faibles de J.P Morgan sur les actions américaines (4,10 %) et les actions des marchés émergents (7,20 %) (qui ont également affiché de bonnes performances l’année dernière).

Les actifs à revenu fixe reflètent le rendement actuel, les gains/pertes en capital et en revenus dus à l’évolution de la courbe des taux. Le rendement attendu de 1,0 % pour les liquidités est très proche de 1,5 % pour les titres à revenu fixe de base. Comme pour les actions, les attentes pour les obligations sont inférieures aux performances de la dernière décennie.

Il semble y avoir un consensus sur le fait que les valorisations élevées rendront presque impossible la répétition des récents rendements élevés des actions et des obligations. L’argument en faveur de l’investissement en actions comme protection contre l’inflation reste valable, mais les investisseurs doivent gérer leurs attentes en matière de rendement en conséquence et faire des prévisions réalistes à long terme.

Compléments pour les lecteurs avancés :

Lorsque l’on utilise les HMC pour construire un portefeuille, le niveau absolu d’une hypothèse de rendement est moins important que la comparaison avec d’autres hypothèses : en fait, l’écart entre les classes d’actifs est essentiel pour modifier les pondérations entre les classes d’actifs au sein d’un portefeuille.

Il existe d’autres moyens, comme une approche basée sur la régression (Philips et Kobor (2020)) reflétant un ratio cours/bénéfice ajusté et un ratio cours/ventes, mais les deux approches ci-dessus peuvent être utilisées avec des hypothèses simplifiées pour des utilisations individuelles.

Sources:
Strategic Asset Allocation for Endowment Funds, The Journal of Portfolio Management, Volume 47, Issue 5, 2021, Kathleen E. Jacobs and Adam Kobor
“2021 Long-Term Capital Market Assumptions”, J.P. Morgan, 2020, www.am.jpmorgan.com
“Capital Market Assumptions—As of 30 September 2020”, AON, 2020, www.insights-north-america.aon.com